Rosée

Un enfant ouvre une porte, fait quelque pas et trouve la chevelure frisée et grasse de son père gisant par terre, la figure sur le sol. Il est inerte parce qu'il est très saoul.

Le jeune observateur retourne à sa chambre et opte pour un film, Singapore Sling, une sale histoire mêlant folie, meurtre et sexualité. Un film qui clairement ne devrait pas être écouté par un enfant de cet âge. Pendant ce temps, le père, avec bien du mal se lève et se déplace vers une autre pièce.

Un peu plus d'une demie-heure plus tard, l'enfant regarde sa porte de chambre et, par ce qui lui semble de l'instinct, se lève. une senteur étrange l'attire à travers le couloir.

De son point de vue, à sa gauche, la porte de la salle de bain est entrouverte. La lumière est allumée. Il s'en approche tout en signalant sa présence en parlant à haute voix. ll donne quelques coups sur la porte de façon à pouvoir entrer sans heurter quelconque timidité.

Puis, sans réponse, il pousse doucement la porte et révèle la même mixture de jus de cuir chevelu et de fibres capilaires que tout à l'heure. Le père est assis sur la toilette, les pantalons baissés et le torse sur les cuisses, encore endormi.

Le jeune homme donne des petits coups sur l'épaule du père, le prend par les épaules et tente de le redresser. Le patriarche retombe plusieurs fois avant d'ouvrir les yeux ascynchroniquement, tentant en vain de leur faire percer une étrange couche de gris (les yeux dans la fucking graisse de binne, comme on dit au Québec)
-Papa, tu devrais te coucher!
-Gnagn Pbllub...
Sans réponse...

La senteur refait surface et décidément, ça ne provient pas des chiottes, non plus de la fétidité d'une haleine en décomposition...

Quittant la salle de bain, guidé par l'effluve nauséabonde, l'enfant se dirige plus en amont du couloir, vers la cuisine. De son point de vue, à chaque pas, le contenu d'un poêlon se révèle lentement. D'abord, il voit une masse rouge reluisante et comprend vite qu'il ne manquerait que très peu de morceaux pour obtenir un petit animal vivant, un écureuil, car son père en fait la trappe dans la forêt avoisinante.

Les pattes et la tête, semblant avoir été tranchées ou arrachées avec la difficulté que l'on reconnait aux ivrognes. Au niveau du corps, les côtes et la colonne vertébrale, blanches sous la peau semi-transparente, finissent de substituer l'horreur à ce que le jeune se rappelait comme une petite bête heureuse gambadant d'un arbre à l'autre.

Il faut préciser que, suivant les règles de la cuisson non-surveillée, la partie supérieure de l'ex-animal est gorgée de sang, tandis que le bas se trouve totalement carbonisé, car le père du gamin, sortant de son palais en s'aggripant partout pour ne pas tomber et en grommelant quelques inintelligibles délires, empoigne la carcasse de rongeur et avance les dents vers le milieu, la colonne vertébrale, visant maladroitement la chair rosée, juste à point entre le sang et le noir...

C'est à ce moment que le jeune homme tourna la tête et s'évita un traumatisme de plus.

2 commentaires:

  1. Holy great fucking shmu...

    C'est tout un début de scénario ça...

    Assez troublant, très bien écrit, j'ai vu un paquet d'image quand je l'ai lu. Je sens que ça pourrais faire quelque chose de bon!

    RépondreSupprimer
  2. Ça me touche énormément cette histoire, j’en ai une boule à l’estomac. J'ai eu envie de prendre cet enfant dans mes bras, de le protéger et de lui dire à l'oreille, que les vapeurs de folie qui empestaient autant que cet animal mort, ne venaient pas de lui.
    Pierre

    RépondreSupprimer

Soyez certains et surtout certaines que vous trouverez ici ma réponse suivant vos paragraphes. N'oubliez pas de signer!